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L'arc à poulies

 

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UNE NOUVELLE CONCEPTION

Qui a eu le premier l'idée d'un système de démultiplication pour augmenter la puissance d'un arc ? Personne ne pourra jamais répondre à cette question.

Il est certain que l'utilisation d'un palan avait déjà été envisagée. Mais pour un rendement assez faible, l'arc demandait une allonge de plus d'un mètre !

Claude J. Lapp, physicien à l’université d’Iowa (USA), faisait de recherches sur l'efficacité et le rendement des arcs. Il a le premier pensé à utiliser un palan avec des poulies excentriques, c'est-à-dire dont l'axe de rotation n'est pas au centre.

En 1938, il dessine puis fait fabriquer un prototype équipé de quatre poulies, deux fixées à des étriers en haut des branches, deux à leurs faces intérieures. Il constate que cela fonctionne à condition de réduire la taille de l'arc, pour éviter une trop grande allonge.

Mais il abandonne son invention, persuadé que le résultat en est si laid qu'aucun archer ne voudra l'utiliser !

Il faudra attendre 1960 pour qu'un autre américain, Holless W. Allen, reprenne l'idée. Comme chasseur, il était très intéressé par l'augmentation de la force de propulsion et par la moindre taille de l'arme. C'est en faisant ses essais qu'il découvrit l'autre avantage pour un chasseur, l'effet de la réduction de puissance à pleine allonge, qui permet de tenir en visée !

Il met son modèle au point en 1964, puis cherche un industriel pour la fabrication. Il faudra attendre 1967 pour que Tom Jennings, facteur d'arcs à l'échelle artisanale, commence la fabrication de l’arc à poulies sous brevet Allen.

Développant l'invention, Jennings met au point l'arc à deux poulies en 1971, puis le Dynabo (ancêtre du mono-came) en 1972.

Très rapidement, tous les fabricants d'arc se mettent à l'arc à poulies, soit en reprenant l'idée, soit en cherchant encore des innovations.

Ainsi Martin invente en 1973 le Kam-Act (Arc classique avec deux branches supplémentaires équipées de cames). Et en 1980, Oneida construit l'Eagle, arc à branches pivotantes rappelées par des câbles et des poulies fixées dans la poignée.

Il n'y aura plus de véritable révolution technique avant 1992, quand Tom Jennings, encore lui, commercialisera le premier arc mono-came sur un brevet déposé par Matthews McPherson (arc à une seule poulie de travail sur la branche du bas, la poulie de la branche du haut n'étant qu'une simple roue de renvoi).

C'est le même McPherson qui propose sous sa marque Matthews depuis 1997 une nouvelle conception, l'architecture parallèle (branches très courtes pratiquement horizontales).

 

CLASSIQUES CONTRE MODERNES

A son arrivée dans le tir à l'arc sur cible, le "compound" n'est pas vraiment adopté sans réticences. Il ne correspond pas à la définition classique de l'arc, instrument tendu par une corde fixée aux poupées !

Et puis, son utilisation semble être plus proche de celle de l'arbalète que de l'arc. De toutes façons, c'est un instrument pour handicapés ou vieillards !

Bien entendu la Fédération américaine (NAA), première concernée, n'a pas voulu le prendre en considération. Il en a été de même pour les archers professionnels (PAA). Seule la NFAA, fédération issue du tir de chasse et spécialisée dans le tir "field", l'a accepté en 1969 en créant une nouvelle division "unlimited".

Cette même NFAA a été la première à autoriser les décocheurs, d'abord simples, c'est-à-dire sans pièces mobiles, puis en 1972 les décocheurs mécaniques.

Il faudra attendre 1983 pour voir la PAA inclure le "compound" dans ses championnats.

La FITA est encore plus frileuse, puisque que cette même année, si elle reconnaît l'existence de ce nouveau type d'arc, elle ne lui ouvre pas ses championnats.

Et ce n'est qu'en 1990 que les archers "poulies" pourront se disputer des titres mondiaux en "campagne", puis en "salle" en 1991.

S'obstinant dans une conception du sport assez particulière, la FITA, en 1993, réduit de moitié la taille du 10 en "cible" et du 5 en "campagne" pour les arcs à poulies. Elle avoue deux objectifs : Infliger un handicap aux arcs à poulies pour que leurs scores puissent être comparables à ceux des arcs classiques, et aussi éviter les scores parfaits, donc non améliorables.

Bien évidemment, dès décembre 1993, Kirk Ethridge (USA) réalise 300/300 à 25 mètres !

La discipline reine, le tir "olympique", ne sera ouverte aux arcs à poulies qu'aux championnats du monde de 1995, disputés à Djakarta.

Il est plaisant de constater que la première championne du monde Fita, Angéla Moscarelli (USA) n'a que 13 ans, et que deux des membres de l'équipe de France médaille d'or (Carreau et Randall) sont juniors ! Bonjour les vieillards ! Quant au troisième membre de cette équipe, Gérard Douis, c'est un ancien rugbyman, assez peu handicapé.

Il en reste plus qu'à attendre l'admission aux Jeux Olympiques pour que la reconnaissance soit enfin complète !

 

EN FRANCE

En Europe, c'est au début des années 1970, que l'on voit apparaître l'arc à poulies, utilisé par des militaires US lors de compétitions field NFAA en Allemagne.

Le Britannique Chris Jones (Merlin) construit en 1975 le premier "compound" européen.

En France, les tireurs "chasse" intègrent assez vite ce nouveau matériel. D'ailleurs, ce n'est qu'en 1986 qu'ils vont le classer séparément d'avec les arcs classiques !

Ainsi, Roger Anselmo participe dès 1976 à des compétitions "chasse" et "salle" avec un arc à poulies, il remporte le championnat de France "chasse" en 1977.

Les archers "classiques" sont beaucoup plus réfractaires.

Il faudra attendre 1981 pour que la FFTA, sous la pression de Claude Sauvade entre autres, admette l'arc à poulies en tir "cible".

Reconnaissons tout de même à notre fédération le mérite d'avoir été la première fédération nationale à le faire.

La Ligue de Paris-Ile-de-France ouvrira ses championnats aux compounds en 1983

Les titres de champions de France ne seront décernés qu'à partir de 1985. Juste retour des choses, ce sont Claude et Mado Sauvade qui décrochent les deux premiers, en "salle" à Pontoise.

En 1987, Jaime Anson est le premier français à 1300 points en Fita. Il sera aussi le premier à réussir le 300/300 en "salle" en 1989.

Toujours sous l'impulsion de Claude Sauvade, le club de Morangis va organiser en 1987 l'Open de France Compound. Pour cette occasion, la première Equipe de France Poulies est constituée (Anson, Ducrot, Auffray).

Selon les règles "Las Vegas" (6 fois 18m sur tri spots), le Belge Jean-Pierre Deconninck réalise 298, 299, 299, 299, 298 et 300 !

 

 

EN PROVENCE

Comme dans le reste du pays, l'arc à poulies a été assez rapidement adopté par les tireurs "chasse" de notre région. Et les podiums nationaux sont nombreux depuis 1982 !

Il a fallu attendre 1986 pour que des courageux osent s'aventurer en "cible" avec ces "roulettes" qui abîment les buttes.

Alain Khalifa aura été le premier champion de Provence en 1987. Persévérant dans sa volonté de voir l'arc à poulies mieux compris, il organisera en 1988 à Saint-Auban un stage technique animé par Gérard Carriau (technicien professionnel et champion de France FITA 1985).

Un nouveau départ, définitif celui-là, sera donné en 1992 avec la création d'une commission "arcs à poulies" par la Ligue de Provence.

Elle démarre en trombe en organisant sa première compétition spécifique à Manosque, le Trophée du Soleil, sur un FITA 900. Et elle envoie trois équipes de Provence, deux masculines et une féminine, au 3° Open de France Compound à Valence.

Et toujours en 1992, la Provence fêtera ses premiers médaillés aux championnats de France, Robert Konneradt, champion senior en "fédéral", et Thomas Khalifa, médaille de bronze junior en "campagne".

 

COMPOUND, AMP OU ARC A POULIES ?

Le nom donné par son inventeur à ce nouvel arc est le "compound".

Le sens français donné à ce mot a été assez fantaisiste. On a pensé qu'il voulait dire "composé", indiquant par là que le système permettait de composer avec la force de l'arc, de mieux la maîtriser.

On a aussi proposé "composite", au sens de "fait avec des matériaux différents" !

Or, en anglais, l'un des sens de "compound" est "complexe". C'est bien cette idée d'arc complexe qui a été choisie par H.W. Allen.

En France, la dénomination "arc à poulies" a été très longue à entrer dans le langage courant.

Il y a toujours controverse entre les tenants du terme d'origine et les défenseurs de la langue française. On peut la deviner aussi entre les tireurs "chasse" et "cible".

Curieusement, la terminologie est encore aujourd'hui parasitée par l'appellation AMP.

Ce terme a été considéré abusivement comme "officiel" à la suite d'un article écrit par un tireur "compound", publié dans la revue fédérale "Le Tir à l'Arc" en 1986. Il défendait la spécificité de son arme, l'appelant "Arc Moderne de Précision".

Il s'agissait d'un avis très personnel, assez discutable d'ailleurs. Mais puisque c'était écrit dans la revue, c'était donc officiel !

 

Jean ATTUYT

Décembre 2002

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